Guide de l'excursion
Jour 4
Le Supergroupe d’Ouarzazate est l’un des trois principaux groupes formant la Ceinture des Anti-Atlas (Figure 1). Il y recouvre environ 60 000 km2 et est majoritairement composé d’une épaisse séquence de roches pyroclastiques (Álvaro & al., 2010). La formation du Supergroupe d’Ouarzazate est le résultat d’une intense activité volcanique très explosive dispersée sur plusieurs centres éruptifs le long de la faille de l’Atlas Sud (SAF) et de la faille majeure de l’Anti-Atlas (AAMF) (Figure 2) (Álvaro & al., 2010). Il est aussi possible d’observer plusieurs autres structures associées à ce volcanisme telles que des plutons granitiques et des calderas rhyolitiques. Dans l’ensemble, toutes les roches du Supergroupe d’Ouarzazate sont datées entre 610 et 550 Ma (Édiacarien) (Álvaro & al., 2010).
Géodynamique
La formation des Anti-Atlas peut être séparée en quatre principaux épisodes géodynamiques (Gasquet & al., 2005). Le Supergroupe d’Ouarzazate est issu du troisième et du quatrième épisode de déformation (Figure 3).
Le troisième épisode de déformation s’est déroulé en 690 et 605 Ma (Gasquet & al., 2005). Il s’agit d’un épisode orogénique important menant à la fermeture d’un océan. Vers la fin de cet épisode, la convergence des plaques tectoniques a déclenché la formation d’un réseau de failles dans lesquelles les premiers points éruptifs du Supergroupe d’Ouarzazate ont pu se développer (Thomas & al., 2004) . À environ 605 Ma, une inversion rapide du régime tectonique compressif vers un régime extensif s’est produite. Il s’agit du début du quatrième procédé à l’origine de la formation des Anti-Atlas. Le régime extensif s’est produit entre 605 et 530 Ma et a entraîné le développement d’un nouveau bassin océanique. La déposition des laves pyroclastiques du Supergroupe d’Ouarzazate a continué lors de l’ouverture du bassin jusqu’à environ 560 Ma (Guasquet & al., 2005). Toutefois, la datation U-Pb de zircons indique que certains points éruptifs sont restés actifs jusqu’à environ 530 Ma (Karaoui & al., 2014).
Lithologies
Le Supergroupe d’Ouarzazate peut être divisé en deux principaux groupes. Le premier groupe est le Groupe de Bou Salda, qui est composé des séquences inférieures du Supergroupe. On y retrouve principalement des laves felsiques à intermédiaires ainsi que des intrusions granitiques (Karaoui & al., 2014). Les analyses géochimiques de ce groupe indiquent qu’il est composé de roches de composition calco-alcaline riches en potassium. Cette composition suggère que l’origine des magmas est associée avec la plaque en subduction sous la zone orogénique (Álvaro & al., 2010). Le second groupe est le Groupe d’Ouarzazate, qui est composé des séquences supérieures du Supergroupe. On y retrouve principalement des laves volcano-clastiques, mais également des coulées de lave séquentielles ainsi que des sédiments clastiques à grains très variables issus de la fragmentation de la zone orogénique (Karaoui & al., 2014). Les analyses géochimiques effectuées sur les roches de ce groupe indiquent que les laves sont dominées par une composition alcaline. Cette composition suggère que l’origine des magmas est associée à une zone de faille en extension (Álvaro & al., 2010). La géochimie du Supergroupe d’Ouarzazate démontre aussi que ses compositions varient de manière transitionnelle de la base vers le sommet de la séquence. Ces informations supportent la théorie de l’inversion rapide des régimes volcaniques puisque l’on y retrouve les compositions typiques des zones de subduction, puis de volcanisme post-collisionnel et finalement de régime extensif (Álvaro & al., 2010).
Le Supergroupe d’Ouarzazate est superposé par des séries de roches sédimentaires dominées par des roches carbonatées datant essentiellement du Cambrien. Des stromatolites sont présents dans ces séries de roches carbonatées (Karaoui & al., 2014). Une intercalation des roches volcano-sédimentaires les plus jeunes de la séquence avec des dépôts carbonatés associés au bassin océanique cambrien est observable à certaines localités. Des stromatolites sont présents dans les dépôts associés à ce bassin (Álvaro & al., 2010).
Les stromatolites représentent un système de multiples composantes, notamment physiques, chimiques et biologiques (Kalkowsky, 1908). Ces composantes s’expriment de l’échelle microscopique à l’échelle macroscopique. Les stromatolites peuvent contenir des micro-organismes, des composés organiques de micro-organismes, des sédiments à grains fins, des minéraux précipités, des dômes, des colonnes en branches et des cônes. La caractéristique principale des stromatolites est une biolamination à l’échelle mésoscopique, c’est-à-dire une lamination d’origine biologique (Standley et al., 2005) qui se manifeste par une alternance de couches sédimentaires et de couches de matière organique. Les stromatolites sont un regroupement de structures anciennes et récentes qui englobent des environnements communs à leur formation. Ce terme est très complexe et désigne plusieurs catégories. Les stromatolites font partie du terme général des microbialites (Burne and Moore, 1987). Ces structures organo-sédimentaires sont formées par le piégeage, la fixation et/ou la précipitation de sédiments, en raison de la croissance et de l’activité métabolique de micro-organismes. De plus, le terme général des microbialites contient les mésostructures suivantes : stromatolites, thrombolites, dendrolites et leiolites. Ces différentes formes, illustrées à la Figure 1 b), déterminent les tapis microbiens: conique, dômale, colonnaire et obconique. Ces formes de croissance sont présentées à la Figure 1 a). Chaque mésostructure peut avoir chacune des formes représentées par la Figure 1 b). Selon la classification de Shapiro et Awramik, il existe au total 16 possibilités de formes et de mésostructures de tapis microbiens.
Les stromatolites retrouvés au Maroc se situent dans le Supergroupe d’Ouarzazate. Cette unité de la stratigraphie de la région est composée de séquence volcano-sédimentaire qui repose en discordance sur le Groupe de Taghdout. Une datation des zircons par la méthode uranium-plomb dans les roches volcaniques felsiques indique un âge entre 580-550 Ma (Shapiro et Awramik, 2000). Les stromatolites qui s’y retrouvent datent de 555 Ma et demeurent les fossiles de stromatolites les plus vieux présents sur le territoire marocain. Les tapis microbiens formant ces structures vivantes du passé sont de type Collenia et Conophyton. Ces structures ont une hauteur de 3 m et se retrouvent sur une étendue latérale de 100 m (Shapiro et Awramik, 2000). Il est aussi possible de voir des stromatolites colonnaires à travers ceux qui ont une structure dômale. La mésostructure de ces formes de vie ancienne est essentiellement en lamination parallèle, ce qui correspond à la composition typique d’un stromatolite. Une forme de lamination plus ondulante est visible dans la mésostructure de ces stromatolites. Des changements soudains du niveau topographique ont amené les facteurs clés pour la formation d’un milieu de vie apte au développement de ces tapis microbiens. L’érosion par les eaux météoriques a créé des dépressions irrégulières dans le sol, ce qui a résulté en une accumulation d’eau dans ces dépressions (Shapiro et Awramik, 2000). Une coupe stratigraphique illustre très bien la forme typique de ces milieux de vie créés par les eaux (Figure 2). Selon les recherches les plus récentes, aucune évidence d’accumulation de dépôts sédimentaires fluviatiles, lacustres ou deltaïques n’est présente. L’hypothèse envisagée quant à la provenance de cette eau est donc une source d’eau souterraine et non météorique. Cette source proviendrait des profondeurs avec un très faible taux de remplissage (Shapiro et Awramik, 2000).
Le barrage d’Ouarzazate, communément appelé Al Mensour Eddhbi, est un ouvrage de génie civil dont les impacts pour le secteur sont immenses, car il retient une quantité très significative d’eau. Ce barrage a été construit entre 1969 et 1972 dans le but de créer un bassin permettant l'irrigation d’une superficie de 26 000 ha tout en produisant entre 20 et 25 KWh d’électricité pour le pays en utilisant une énergie verte (Agence du bassin hydraulique de la ville d’Ouarzazate, 2019). De plus, ce barrage a un bassin versant de 15 000 km2. Les vocations du barrage ont changé avec les années. D’abord, ce barrage servait à protéger contre les inondations et à engendrer une recharge artificielle des nappes de la vallée du Draa. Le réservoir du barrage permet d’approvisionner la ville d’Ouarzazate (100 000 habitants) en eau potable (Agence du bassin hydraulique de la ville d’Ouarzazate, 2019).
Ce barrage, de type béton-voûte, mesure 70 m de hauteur à partir de la fondation et a une longueur du couronnement de 285 m. La largeur du barrage varie cependant avec la hauteur de l’ouvrage. Ainsi, la largeur en crête est de 5,40 m alors que la largeur à la base du barrage est de 15 m (Agence du bassin hydraulique de la ville d’Ouarzazate, 2019). La fondation du barrage correspond au roc, ce qui signifie que le barrage est construit sur une fondation stable.
Bien entendu, l’envergure d’un ouvrage de retenue d’eau tel qu’un barrage hydroélectrique s’évalue par sa capacité de retenue d’eau. Autrement dit, un barrage significativement moins haut pourrait retenir plus d’eau qu’un barrage de 70 m de hauteur comme le barrage d’Ouarzazate. Ce barrage retenait environ 428 000 000 m3 d’eau en 2014 alors qu’il avait initialement une rétention de 560 000 000 m3 d’eau (Agence du bassin hydraulique de la ville d’Ouarzazate, 2019).
Le barrage Al Mensour Eddahbi est de même type que le barrage Daniel-Johnson au Québec, soit un barrage béton-voûte construit sur le roc. De ce fait, une comparaison intéressante peut être faite entre les deux ouvrages. La Figure 1 compare les données de chaque barrage. Considérant que le barrage Daniel-Johnson est le plus gros barrage du Québec, il est possible de conclure que le barrage d’Ouarzazate (Al Mansour Eddahbi) est tout de même un ouvrage très considérable, puisque sa forte contenance et sa hauteur engendreraient des dégâts et des conséquences significatives en cas de rupture.
Par ailleurs, comme les conditions hydroclimatiques sont arides au Maroc, la gestion de l’ouvrage se fait différemment qu’au Québec, car des problèmes sont engendrés par le climat.
D’abord, l’évaporation de l’eau de surface dans le bassin peut atteindre 3 000 mm par an, soit un volume pouvant atteindre 60 000 000 m3 d’eau évaporés. Considérant que le volume d’eau nécessaire pour alimenter Ouarzazate en eau potable est de 7 000 000 m3, la situation peut devenir critique si elle est mal gérée.
Ensuite, un phénomène d’envasement se produit dans le bassin, faisant diminuer la retenue d’eau. Autrement dit, des sédiments se déposent dans le fond du bassin, ce qui réduit son volume.
Or, ces problématiques ont forcé les ingénieurs à revoir l’utilisation du barrage. Ainsi, un autre barrage a été construit en amont pour approvisionner en eau potable la ville d’Ouarzazate et le barrage Al Mensour Eddahbi ne sert dorénavant que pour la production d'énergie, l’irrigation des terres et l’approvisionnement en eau potable de la vallée de Draa (Agence du bassin hydraulique de la ville d’Ouarzazate, 2019).